Graphè – colloque 2019

Graphè est un groupe de l’Université d’Artois (Arras) qui depuis 25 ans (1992) s’attache à étudier la Bible et ses influences sur les cultures, les littératures et les arts.
Un colloque est organisé chaque année, prenant pour thème un livre de la Bible ou un personnage. Les colloques donnent lieu à la publication d’Actes dont la liste, riche de 26 volumes, est disponible ici. L’interdisciplinarité des colloques et une perspective résolument diachronique garantissent une lecture ouverte du texte biblique et une véritable attention aux modes d’appropriation et d’interprétation du texte.

« Le prochain colloque Graphè se déroulera les 21 et 22 mars 2019 à l’université d’Artois et portera sur Caïn et Abel, deux figures indissociables du corpus biblique (Gn 4,1-16).

Malgré un texte hébreu complexe, voire lacunaire, et sans autre écho dans le reste de l’Ancien Testament si ce n’est une allusion tardive et deutérocanonique (Sg 10,3), l’épisode du meurtre commis par Caïn sur son frère Abel a connu une grande postérité. La puissance du récit tient à son extrême concision. Les traductions, grecque de la Septante et latine de la Vulgate, constituent déjà une première étape de l’histoire de l’interprétation puisque chacune lit et complète à sa façon le passage, aussi célèbre que difficile.

Même si la figure de Caïn a suscité une attention plus grande, en raison de la place que lui accorde la péricope biblique, il s’agira de s’intéresser aux deux protagonistes, sous la thématique des frères ennemis. Fils aîné d’Adam et Ève, Caïn, l’agriculteur, tue son frère Abel, le pasteur, par jalousie et colère, car Dieu a préféré ses offrandes aux siennes. Son geste fait de lui le premier meurtrier de l’humanité. La violence et la mort s’immiscent dans l’histoire des hommes. Les deux frères incarnent des valeurs opposées et paradoxales. Abel a reçu la bénédiction divine mais meurt ; Caïn, dont le signe sur le front rappelle son crime, reste en vie et, bien qu’exilé, connaît une descendance nombreuse. Le mythe interroge sur le rapport à la différence, sur le fondement d’une société et son sens de la justice. Il souligne aussi l’absence de communication entre les deux frères et ne manque pas de poser la question de l’arbitraire divin à travers la préférence inexpliquée pour l’offrande d’Abel.

À l’appui de l’Épître aux Hébreux (Hb12,24), les Pères de l’Église livrent une lecture typologique de l’épisode. La mort inutile d’Abel annonce la Passion rédemptrice de Jésus. L’antagonisme entre les deux frères sera également compris comme l’opposition entre juifs et chrétiens. Quant à Augustin, il verra dans la rivalité fratricide l’origine des deux cités. Au Moyen Âge, dans Le Jeu d’Adam, Abel est scandalisé par Caïn qui garde le meilleur de son offrande pour son propre pain. À la Renaissance, Agrippa d’Aubigné relit la rivalité entre les deux frères dans le contexte des guerres de religions. Les Romantiques s’attarderont davantage sur le personnage de Caïn pour en faire un révolté contre Dieu. Voltaire s’indignait déjà de la volonté divine face au mal. Et l’on connaît le vers célèbre de Hugo dans La Légende des siècles :  » L’œil était dans la tombe, et regardait Caïn ». La péricope nourrit encore les interrogations de nos contemporains, quitte à modifier sensiblement les caractéristiques traditionnelles des figures. L’Emploi du temps de Michel Butor et Le Roi des Aulnes de Michel Tournier en témoignent. Dans l’art, les scènes de l’offrande et du meurtre sont les plus représentées.

Toujours au regard du texte biblique, dans une perspective diachronique et une démarche interdisciplinaire, les communications portent sur les réécritures littéraires et artistiques que les frères ennemis, Caïn et Abel, ont suscitées dans la culture occidentale au fil des siècles.

L’ensemble des études paraîtra dans le volume 29 de la collection Graphè diffusée par l’Artois Presses Université, au printemps 2020. »

Le programme annoncé est le suivant :

Jeudi 21 mars 2019

9h : Accueil des participants

9h 30 : Ouverture du colloque par Pasquale MAMMONE, président de l’université d’Artois et Introduction par Jean-Marc VERCRUYSSE, directeur de la collection Graphè.

10h : André WÉNIN (Université catholique de Louvain, Belgique)

Caïn et Abel: un récit, des lectures

11h : pause

11h 15 : Gérard NAUROY (Université de Lorraine)

Le De Cain et Abel d’Ambroise de Milan : une relecture patristique du récit biblique

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14h : Adeline LATIMIER-IONOFF (Université Rennes 2)

La lignée des traîtres et des belliqueux : Caïn et Abel dans le roman médiéval

14h 45 : Vanessa OBERLIESSEN (Sorbonne Université)

Le personnage de Caïn chez Du Bartas, civilisation et mondanité

15h 30 : pause

15h 45 : Paola PERAZZOLO (Université de Vérone, Italie)

La Mort d’Abel au tournant des Lumières : de « l’esprit du XVIIIe » siècle à la Restauration

16h 30 : Pierre-Emmanuel MOOG (École des Hautes Études en Sciences Sociales)

Le choix des scènes picturales pour représenter Gn 4 permet-il de mieux lire le texte ?

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Vendredi 22 mars 2019

9h : Maya HADEH (Université de Damas, Syrie)

Lecture de Caïn et Abel chez Charles Baudelaire : du mythe biblique au mythe personnel

9h 45 : Magalie MYOUPO (Université Paris Diderot)

Le repentir de Caïn : rebâtir la fraternité dans Le Juif errant d’Eugène Sue

10h 30 : pause

10h 45 : Jean-Luc LIEZ (Université de Lorraine)

Le Sacrifice de Caïn et Abel de Léon Moynet (1818-1892) : un jalon de la commémoration eucharistique dans l’art champenois

11h 30 : Catherine d’HUMIÈRES (Université Clermont Auvergne)

D’un siècle à l’autre, d’un pays à l’autre. Le mythe de Caïn et Abel chez Unamuno et Niffoi

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14h : Anna ŻURAWSKA (Université N. Copernic de Toruń, Pologne)

Caïn et Abel dans les littératures québécoise et acadienne : L’Œil de Marquise de Monique La Rue et Chacal, mon frère de Garcia Couturier

14h 45 : Laurence OLIVIER-MESSONNIER (Université Clermont Auvergne)

Caïn et Abel en Afrique ou l’expansion du récit biblique par Alain Mabanckou

15h 30 : pause

15h 45 : Florence de MÈREDIEU (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Caïn et Abel au risque des arts contemporains (XXe et XXIe siècle) : arts plastiques, musiques, théâtres et performances

16h 30 : Conclusion du colloque.

Parcours concernés : Exégèse ; Art et Bible.
Public : motivé à expert.

Visuel : Caïn et Abel, panneau en ivoire provenant de la cathédrale de Salerne, v. 108.
© Musée du Louvre, Paris
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