Catherine Chalier
L’appel des images
Arles, Actes Sud, 2017, 90 p.
Tarif : 10 euros (2018)
En raison de l’envahissement de notre société par l’image, l’auteur reprend le vieux débat initié par les textes bibliques (tu ne feras pas d’image…) avec les outils modernes qu’elle mélange résolument : psychologie, philosophie, histoire des pères de l’Église, analyse de mots hébreux, réflexions d’artistes sont convoqués à tour de rôle.
Le premier constat est que l’image a une force propre, elle frappe l’ego et séduit au plan narcissique : on est prisonnier de sa propre image.
Le premier chapitre enquête sur l’interdit de la représentation à partir des textes juifs et des pères de l’Église.
– L’image prive de la parole créatrice. L’idole masque l’invisible (le transcendant) et lui donne une forme. Elle chasse Dieu de la terre.
– L’interdit de l’image vise à empêcher d’aimer la servitude. Les images mentales fabriquent une rigidité mentale.
Dans un deuxième temps l’auteur s’interroge : faut-il bannir les images ? Elle le fait à partir de deux racines hébraïques, elle oppose tselem et temouna.
– Tselem correspondrait à la « ressemblance divine » de la Genèse, elle serait ce qui habite l’humain et lui donne sa spécificité. Elle serait une « ombre divine » et ce qui unifie corps, âme et intellect.
– Temouna relèverait de l’extériorité : l’image que l’on veut donner de soi, l’apparence. L’auteur y associe demout, ressemblance, mais seulement par l’intellect.
Les deux mots, tselem et temouna, représentent un rêve d’unité avec Dieu.
Au contraire l’imagerie chrétienne place l’humain au centre et prétend ouvrir un accès à l’invisible.
À travers l’exemple du musée Yad Vashem (les photos des disparus juifs de la dernière guerre mondiale), l’auteur fait apparaître l’utilisation que fait le judaïsme moderne : l’image est un instantané du réel dissociée de nos images mentales et interprétations ; la force de l’image, c’est son appel, mais l’envahissement actuel est une manipulation des affects, de la raison et de la mémoire. Nous sommes menacés par le Tohu bohu.
Dans un troisième chapitre C. Chalier développe le thème de l’art abstrait à partir de Rothko. L’art cesse d’être figuratif, il s’agit de se fondre dans la couleur et c’est une réponse à l’inflation concurrente des images et des commentaires. Se pourrait-il que l’image ressemble à l’appel et au chant des sirènes… ?
Une bonne introduction à la critique de notre société et de son utilisation de l’image.
Public : tout public
Recension : Yves Ellul
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