L’apparition

L’apparition
Écrit et réalisé par Xavier Giannoli, France, 2017
Avec Vincent Lindon, Galatea Bellugi, Patrick d’Assumçao

Durée : 2 h 17

Bande-annonce : ici.

Synopsis officiel
Jacques, grand reporter pour un quotidien français reçoit un jour un mystérieux coup de téléphone du Vatican. Dans une petite ville du sud-est de la France une jeune fille de 18 ans a affirmé avoir eu une apparition de la Vierge Marie. La rumeur s’est vite répandue et le phénomène a pris une telle ampleur que des milliers de pèlerins viennent désormais se recueillir sur le lieu des apparitions présumées. Jacques qui n’a rien à voir avec ce monde-là accepte de faire partie d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur ces événements.

Recension
Nous étions six (dont quatre membres de l’Association) à nous donner rendez-vous pour voir L’apparition, film de Xavier Giannoli ; nous nous promettions d’en discuter ardemment après la séance. Las ! À notre sortie, nous étions fort désappointés. Le film ne nous avait rien appris et n’avait tenu aucune des promesses lues dans les recensions. Faute de densité, il n’a rien d’un « polar » ou d’un « thriller », même si le rythme ne faiblit pas. Il utilise tellement de poncifs sur l’Église, les voyants, les pèlerinages, les prêtres, qu’il en est lassant. Une opposition facile entre une vie mystique et une vie de service des réfugiés court dans la seconde moitié du récit, et le film donne si peu d’épaisseur psychologique aux personnages, que j’ai du mal à comprendre des appréciations du style : « Les scènes entre Anna, la jeune voyante mystique, et Jacques, le journaliste sceptique, propulsent le film à des sommets » (Télérama).

Malgré tout, quelques détails sont à saisir, telles des voies ouvertes à la méditation.

L’icône comme véritable apparition ?
Le film offre une belle inclusion, comme les aiment les exégètes. Il s’ouvre sur la photographie, en noir et blanc, d’une icône mariale mutilée par la guerre. Le doux visage de la Vierge Marie n’a plus que deux trous à la place des yeux… Regard perdu… à l’encontre de la tradition qui veut que le priant se laisse regarder par le personnage de l’icône et non l’inverse. Béance qui ouvre sans doute à une autre façon de voir, de se laisser voir, de se voir.
Et l’icône resurgit, vive de couleurs malgré ses blessures.
Protégée d’un linge, comme pansée, enveloppée dans ce linceul improvisé, elle est déposée au seuil du monastère, désormais muré, qui jadis l’exposait à la dévotion des fidèles. Rendue à son lieu, en un geste maternel, par un « berger-journaliste », après avoir été presque dédaignée par la « néo-sainte famille » d’un camp de réfugiés.
Icône de l’insaisissable dans un pays traumatisé, alors que se dupliquent par milliers, sur tous supports, les clichés d’Anna, beau minois auquel se confient des pèlerins en détresse (sainte Bernadette en fit déjà l’expérience).
Icône palpable, laissée à l’extérieur d’un tombeau de prières, quand se dérobe l’apparition… et que le dossier d’enquête est englouti dans les archives du Vatican.
Vie et mort d’élans de dévotion… pour, peut-être, céder la place à une expérience plus intime.

La voix ténue d’un fin silence
Il y en a du bruit dans ce film. Celui de la guerre, de la médiatisation d’une exposition photographique, des pèlerins se déplaçant, chantant. Et la cloche qui scande des appels. De quoi masquer les surdités des uns et des autres.
Jacques, le journaliste, est rentré blessé du fracas de la guerre. Blessé de l’oreille, nécessitant des soins et la consolation d’Anna. Blessé psychologiquement, avec cette peur au ventre de l’intrusion d’une nouvelle violence dans l’espace vital.
De la guérison, rien n’est dit… si ce n’est ce silence du désert où, à la porte close d’un monastère oublié, se dépose avec l’icône, la quête d’une vie au-delà de ses évènements.

Lieu fracassé et pourtant volontairement clos dans une attente de résurrection, le monastère fait écho à cette chapelle de montagne où se rend Anna, dans le silence. Nul ne sait ni qui a obstrué l’entrée, ni pourquoi. Les doigts de la jeune fille caresse les parpaings comme pour rejoindre la vie de prière qui anima le lieu. Et Jacques de reprendre le même effleurage sur les murs du monastère.
Des paysages des Alpes à couper le souffle à l’aridité du vaste désert, l’intériorité semble chercher un espace clos où trouver refuge. Mais celui-ci reste fermé. La voyante et le journaliste sont invités à développer leur vie intérieure en leur intimité propre, là où ils sont, là où ils seront, dans la vérité de leur être et de leurs fuyants.

Plumes de couettes pour des anges ?
Vie de prière, quête, enquête, retour sur soi… Ni Anna, ni Jacques ne sont des anges.
Anna, comme le font les carmélites de Verdun, remplit les couettes de plumes. Son itinéraire n’en est pas plus léger. Celui de Jacques non plus. La gravité aurait plutôt tendance à plomber leur existence.
Et cependant… plus le film avance et dévoile la face cachée des âmes, plus les touches de délicatesse se multiplient. Il n’y a pas de balance pour soupeser les êtres. Aucun n’est ange blanc ; aucun n’est ange noir. Chacun se trouve, se perd… se retrouve ? Se laisse être trouvé ?

Recension : Claire Rousseau

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