Jésus au regard de deux éditeurs

Cet automne, deux encyclopédies sur Jésus arrivent sur les tables des libraires.
Quels sont les atouts de chacune ? Comment choisir ?

Jésus. Une encyclopédie contemporaine
Paris, Bayard, 2017, 525 p.
Prix : 45 euros (2017).

Jésus. L’encyclopédie
Paris, Albin Michel, 2017, 843 p.
Prix : 49 euros (2017).

 

 

 

 

Les points communs :
– les deux encyclopédies sont d’abord de très beaux objets éditoriaux dont la mise en page a été soignée, de façon à en rendre le contenu visuellement agréable. Les éditeurs ont fait le choix d’illustrer abondamment. L’encyclopédie Albin Michel est plus sobre dans sa mise en page, tandis que l’encyclopédie Bayard répète des effets graphiques évoquant les rinceaux des manuscrits médiévaux occidentaux ou les volutes baroques ;
– les équipes d’auteurs sont prestigieuses rassemblant les meilleurs spécialistes de l’exégèse, de la littérature, des arts, ce qui garantit le contenu scientifique.

Les différences :
– l’encyclopédie Bayard est une compilation d’articles (révisés) parus dans la revue Le Monde de la Bible. De ce fait, la présentation et le contenu conservent le style d’un magazine (texte en deux colonnes sur papier glacé). Les illustrations sont presque toujours des clichés documentaires non commentés, avec beaucoup de vues des sites de Palestine. Les articles ont été classés thématiquement selon une logique cohérente. Une bibliographie est donnée en fin d’ouvrage mais celle-ci est vraiment succincte.

– L’encyclopédie Albin Michel a opté pour une démarche résolument neuve. Trois livres structurent l’ouvrage (Commencements ; Vie publique ; Passion et Résurrection). En chacun, les chapitres sont composés de plusieurs approches autour d’un même thème. Cependant, il est parfois difficile de comprendre l’articulation des contributions des différents auteurs.
Illustrations (commentées en quelques lignes par François Bœspflug) et cartes blanches donnent des ouvertures artistiques et littéraires qui peuvent être des perles.
L’encyclopédie Albin Michel s’est dotée d’outils pratiques : renvois en marge d’un chapitre à l’autre, glossaire, index, bibliographie bien fournie.

Parmi les Cartes blanches, celle d’Erri De Luca sur la péricope de la femme adultère dans l’évangile de Jean a retenu notre attention (p. 574-575). Intitulé « La première pierre », le commentaire se centre en fait sur le geste de Jésus lorsqu’il baissa la tête et, du doigt, toucha la terre… ou, comme le propose Erri De Luca, la poussière. Celle de notre création, celle de notre devenir. L’auteur insiste sur le fait que le jour du sabbat, il est interdit d’écrire, sauf sur la poussière. Le texte évangélique n’indique pas que la scène se soit déroulée le jour du sabbat. Mais en écrivant dans la poussière, Jésus renvoie ses auditeurs à ce jour du sabbat où il est interdit de juger au tribunal. Le sabbat – comme le jour de l’épisode – est un jour de « cessation » et donc de « cassation » du jugement des accusateurs. Jésus qui invite à jeter la première pierre devient pierre d’achoppement. Et Erri De Luca de conclure, en émettant l’hypothèse que Jésus aurait écrit, en hébreu sur le sol : LO TIRZAKH, Tu ne tueras point…
Nous aimerions compléter ses lignes par des réflexions personnelles déjà publiées dans la revue Prier (mars 2007). Le verbe grec utilisé pour désigner le geste de Jésus « égratignant la terre » (sens premier) est polysémique. En ce nouveau geste créateur, Jésus « dessine » peut-être le visage de la femme en un « je t’aime » re-créateur. Ou bien, il « écrit » son nom, inconnu de nous, tu par le texte : nom qui fait d’elle une femme digne, déjà relevée de l’infamie. Mais le même verbe, décidément riche de sens, signifie également « prescrire »… Jésus ne serait-il pas en train de nous offrir quelques consignes dont l’interdiction de condamner ? Et parce que les scribes et les pharisiens sont inattentifs à son geste, Jésus se relève et les renvoie au fond d’eux-mêmes, à ce qui pourrait devenir leur propre condamnation. Ou leur libération. De nouveau, Jésus se baisse vers le sol. Dans leurs cœurs, il laisse s’opérer un face-à-face avec la vérité de leur vie, non conforme à la Loi dont ils se font les garants. Les traits de Jésus sur le sol les « assignent » à une autre justice (encore un sens du verbe). Il peut alors se « promettre du bonheur » (autre sens du verbe « écrire »), celui de rendre libre la femme : « Va, désormais ne pèche plus ». Les signes éphémères de Jésus dans la terre ne disent-ils pas la Miséricorde, autre nom de son Père ?

Que choisir ?
Avec l’encyclopédie Bayard, c’est avec plaisir que le lecteur retrouvera les articles du Monde de la Bible regroupés en un seul volume.
Mais notre préférence va à l’encyclopédie Albin Michel qui sera dans toutes les bibliothèques un ouvrage pratique à consulter dès que le lecteur se posera une question autour de la personne de Jésus selon ce que la Bible nous donne d’en approcher.

Pour le 2 novembre est annoncée la parution aux éditions Omnibus (Paris) d’un Jésus. Dictionnaire historique des évangiles, dû à l’historienne Marie-Françoise Baslez.

Public : tout public.

Recension : Claire Rousseau.

N. B. : pour ceux qui le désireraient, nous proposons des cours pour apprendre l’hébreu et le grec. Se plonger dans une langue ancienne peut rebuter, voire effrayer ; mais en allant à son rythme, oser s’y lancer rend accessibles des trésors et enrichit la lecture des textes bibliques. Et c’est bien là tout l’intérêt de l’apprentissage…
Cet article a été publié dans Recension d'ouvrages. Ajoutez ce permalien à vos favoris.